Mise à jour du projet : Comment le CEJAD améliore la capacité des récupérateurs de déchets à réduire les émissions de méthane

par l'Alliance mondiale pour les alternatives aux incinérateurs (GAIA) - 19 mai 2025

Au Kenya, le Centre pour la justice environnementale et le développement (CEJAD) renforce la capacité des récupérateurs de déchets à réduire les émissions de méthane.

Le pays produit une quantité importante de déchets organiques, estimée à 5.72 millions de tonnes par an. Ces déchets comprennent des matières diverses telles que les déchets alimentaires, les déchets de jardin, les déchets agricoles, etc.

Le CEJAD fait partie du projet « Intégration de la gestion des déchets organiques dans 11 pays », mis en œuvre par les membres du Alliance mondiale pour les alternatives aux incinérateurs (GAIA) en Afrique. Cette initiative est financée par le Climate and Clean Air Coalition (CCAC) et vise à améliorer l’atténuation des émissions de méthane grâce à la séparation à la source et au détournement des déchets organiques.

Dans cet article, deuxième d'une série consacrée au travail de nos membres dans le cadre de ce projet, le CEJAD s'est entretenu avec Dorothy Otieno, chargée de programme pour la gestion des plastiques et des déchets au CEJAD. Elle partage son expérience de partenaire au Kenya pour le projet « Intégration de la gestion des déchets organiques dans 11 pays ».


 

1. Merci pour votre temps Dorothy, pouvez-vous nous donner un aperçu de votre organisation et de sa mission, en soulignant vos principales activités et domaines d'intérêt ?

Le Centre pour la justice environnementale et le développement (CEJAD) est une organisation non gouvernementale d'intérêt public créée en 2012. L'organisation aspire à une société juste et durable. Elle s'engage à concrétiser cette vision en promouvant une gestion rationnelle des produits chimiques et des déchets pour une meilleure santé humaine et un environnement plus sain.

Le travail du CEJAD s'articule autour de cinq domaines de programme principaux : i) Pollution plastique et gestion des déchets, ii) Élimination des pesticides hautement dangereux, iii) Élimination de l'utilisation du mercure, iv) Élimination de l'utilisation du plomb, v) Ozone et climat.

L'approche globale de travail du CEJAD est multiforme et comprend i) la recherche dans tous les domaines du programme pour générer des données et des connaissances sur la disponibilité et les impacts des produits chimiques et proposer des recommandations politiques pour relever les défis identifiés, ii) le plaidoyer, en utilisant les connaissances générées pour promouvoir une prise de décision fondée sur des preuves aux niveaux international, régional, national et local iii) l'engagement communautaire par la mise en œuvre de projets pilotes avec les communautés ainsi que la sensibilisation aux résultats de la recherche, aux implications politiques et aux meilleures pratiques.

Le CEJAD est également co-organisateur de la « Coalition de la société civile pour mettre fin à la pollution plastique au Kenya », qui plaide collectivement pour une lutte globale contre la pollution plastique tout au long de son cycle de vie.

 

2. Comment l’adhésion à l’Alliance mondiale pour les alternatives à l’incinérateur (GAIA) a-t-elle influencé le travail de votre organisation et quels avantages avez-vous tirés de ce partenariat ?

Tout d’abord, pour lutter contre la pollution plastique, le CEJAD et GAIA ont mené conjointement le tout premier audit de marque du Kenya en 2019. Cette initiative visait à tenir les entreprises responsables de la pollution plastique qui affecte les écosystèmes terrestres et aquatiques.

Depuis lors, le CEJAD a continué à réaliser des audits de marque pour générer des données critiques qui éclairent la conception des installations de récupération des matériaux dans les sites de projets zéro déchet et soutiennent le plaidoyer pour la mise en œuvre équitable des systèmes de responsabilité élargie des producteurs (REP).

Deuxièmement, GAIA a joué un rôle essentiel en soutenant les efforts du CEJAD pour établir, renforcer et pérenniser les associations de récupérateurs de déchets au Kenya. Grâce à ce partenariat, GAIA a facilité des visites d'échange qui ont permis aux récupérateurs de déchets kenyans d'échanger avec leurs homologues africains.

Ces échanges, notamment avec des organisations telles que groundWork et la South African Waste Pickers Association, ont enrichi le processus de formalisation des groupes de ramasseurs de déchets en partageant les expériences régionales et les meilleures pratiques.

Troisièmement, GAIA a joué un rôle déterminant en permettant au CEJAD d'élargir son champ d'action à la gestion des déchets organiques. Cela lui a permis d'élargir ses interventions, offrant un soutien plus ciblé aux groupes de récupérateurs de déchets pour relever les défis liés aux déchets organiques et atténuer les émissions de méthane des systèmes conventionnels de gestion des déchets.

Enfin, le soutien continu de GAIA a été essentiel à la mise en œuvre des systèmes zéro déchet par le CEJAD. La transition vers l'adoption des principes zéro déchet est devenue un pilier essentiel du programme de gestion des plastiques et des déchets du CEJAD.

 

3. Que pensez-vous de la crise des déchets à laquelle sont confrontés de nombreux pays de la région ?

J'adore cette question ! La crise des déchets qui touche de nombreux pays de la région résulte de plusieurs facteurs interdépendants et cumulatifs.

Premièrement, cela découle de la complexité croissante et de la rapidité de production des matériaux. Nombre des produits commercialisés aujourd'hui, comme les plastiques multicouches et les plastiques à usage unique, sont conçus de manière à rendre leur recyclage quasiment impossible. Leur volume, combiné aux difficultés de traitement de ces matériaux, rend les systèmes actuels de gestion des déchets inefficaces.

Par conséquent, des pratiques inadéquates et nocives comme l’incinération, le brûlage à ciel ouvert et le déversement inconsidéré sont souvent utilisées pour gérer ces flux de déchets problématiques.

Deuxièmement, les déchets sont généralement mélangés dès leur production, contaminant ainsi des matériaux qui pourraient autrement être compostés ou recyclés. Ces déchets mélangés sont généralement collectés et transportés directement vers des décharges, où le tri et la valorisation nécessitent davantage de main-d'œuvre.

Malheureusement, ce fardeau incombe souvent aux ramasseurs de déchets, qui effectuent ces tâches insalubres et difficiles avec une reconnaissance ou une rémunération minimale.

Troisièmement, les systèmes linéaires de gestion des déchets existants sont à la fois non durables et coûteux. Ils reposent fortement sur la collecte et le transport des déchets vers des sites d'élimination éloignés, qui nécessitent une expansion et une maintenance constantes pour accueillir davantage de déchets. Cette approche n'est ni évolutive ni respectueuse de l'environnement.

Pour relever efficacement ces défis, nous avons besoin d'une approche systémique, fondée sur le principe du zéro déchet et incluant toutes les parties prenantes. La gestion des déchets doit être décentralisée, avec des installations de valorisation fonctionnelles construites à partir de ressources locales et rentables.

La transition ne doit pas nécessairement être coûteuse ; elle doit simplement être intentionnelle et collaborative. Le secteur privé doit adopter des pratiques de production plus durables, et les décideurs politiques doivent établir et appliquer des réglementations favorisant la transition vers des systèmes zéro déchet.

 

4. Votre organisation fait partie du programme d'intégration de la gestion des déchets organiques dans 11 pays CCAC Projet en Afrique. Qu'est-ce qui a attiré votre organisation vers ce projet et quels sont vos espoirs en matière de gestion des déchets organiques dans votre pays ?

Ce projet est venu à point nommé pour soutenir nos efforts de plaidoyer en faveur de la réduction des émissions de méthane du secteur des déchets. Il a également donné un nouvel élan aux travaux de l'organisation dans le cadre des discussions mondiales actuelles sur la transition des récupérateurs de déchets, car il offre une source de revenus alternative aux travailleurs.

 

5. Sous le CCAC Projet, quelles sont les principales campagnes ou initiatives que votre organisation met actuellement en œuvre pour relever les défis de la gestion des déchets organiques ?

Grâce à ce projet, l’organisation a renforcé les capacités des ramasseurs de déchets sur i) les liens entre les déchets organiques, les émissions de méthane et le changement climatique ; ii) le tri à la source et la gestion des déchets organiques.

L'organisation, en collaboration avec l'Association des récupérateurs de déchets du comté de Kisumu, a également organisé une marche d'information et de sensibilisation au zéro déchet dans le quartier d'Obunga, à Kisumu, afin de sensibiliser le public à l'importance du tri sélectif des déchets. Cette marche, qui a rassemblé plus de 150 récupérateurs, était la première du genre dans la région et a marqué une étape importante dans l'engagement communautaire autour du principe zéro déchet, soulignant le rôle essentiel des communautés dans une gestion efficace des déchets.

En outre, l’organisation a engagé des représentants du gouvernement du comté et du gouvernement national pour discuter des stratégies de gestion des déchets organiques et de réduction du méthane.

Ces dialogues ont mis en évidence la nécessité d'interventions ciblées dans tous les secteurs, notamment en matière de soutien technique, infrastructurel et financier. Les récupérateurs de déchets ont souligné l'importance des mesures incitatives pour les encourager, eux et les autres parties prenantes, à participer aux efforts de gestion des déchets organiques.

 

6. Quel a été l’événement personnel le plus marquant ou le moment le plus mémorable pour votre organisation travaillant sur ce projet ?

L'élément le plus marquant pour moi et marquant pour l'organisation est que ce projet a marqué notre première initiative ciblée sur les déchets organiques. Nous avons consulté les récupérateurs de déchets sur leurs expériences, leurs défis et leurs aspirations en matière de gestion des déchets organiques. Forts de ces informations, nous soutenons leur capacité à gérer ce flux de déchets. Nos efforts visent également à faire de la gestion des déchets organiques une priorité et à l'intégrer dans la législation sur la gestion des déchets, avec la participation et le soutien significatifs des récupérateurs.

 
7. Quels sont les problèmes les plus urgents liés à la gestion des déchets organiques dans votre pays, et comment ces défis continuent-ils d’influencer la manière dont votre organisation travaille sur ces problèmes ?

Les déchets organiques sont un flux de déchets souvent sous-estimé par rapport aux déchets recyclables tels que le métal, le papier, le plastique, le verre, etc. Ils sont généralement mélangés à d'autres types de déchets, ce qui rend leur récupération difficile. De plus, ils sont souvent volumineux et contiennent des lixiviats. L'odeur qui s'en dégage est désagréable pour les habitants, et les lieux de compostage doivent être éloignés des zones résidentielles. L'accès à ces espaces dédiés est souvent coûteux ou difficile.

Dans le même temps, de nombreux gouvernements de comté du pays sont également en train de revoir leurs lois sur la gestion des déchets afin d’intégrer la loi sur la gestion durable des déchets qui a été publiée au Journal officiel en 2022 et, dans ce sens, les systèmes intégrés de gestion des déchets qui nécessitent le tri des déchets et la communication des données n’ont pas encore été établis/mis en œuvre.

En réponse, le CEJAD soutient actuellement la mise en œuvre de systèmes zéro déchet, qui garantissent le tri des déchets et la collecte de données sur leur production. Nous accompagnons également les administrations départementales dans la révision de leurs lois afin de garantir une gestion adéquate des déchets organiques.

En parallèle, nous continuons à renforcer les capacités des ramasseurs de déchets en proposant des formations aux techniques de gestion des déchets organiques telles que le compostage et l’élevage de mouches soldats noires.

 

8. En regardant vers les prochaines années, quel type de besoins ou de soutien prévoyez-vous pour continuer à plaider en faveur de la gestion des déchets organiques dans votre pays ?

D'après les résultats de l'évaluation des besoins menée auprès des récupérateurs de déchets et des décideurs politiques, ainsi que des consultations menées auprès de ces derniers, il apparaît clairement que la gestion des déchets organiques doit être une priorité dans le pays, car elle constitue une stratégie clé pour réduire les émissions de méthane. Pour permettre une gestion efficace des déchets organiques, plusieurs axes prioritaires ont été identifiés :

  • Mise à disposition d’infrastructures de tri des déchets aux ménages, accompagnée de campagnes de sensibilisation et de sensibilisation du public.
     
  • Appui à la sécurisation ou à la location d'espaces dédiés au traitement et à la gestion des déchets organiques.
     
  • Formation et renforcement des capacités des ramasseurs de déchets, des responsables du comté et d’autres parties prenantes impliquées dans la gestion des déchets organiques.
     
  • Acquisition d’outils et d’infrastructures pour la collecte de données, ainsi que le développement de systèmes fiables de gestion et de reporting des données.
     
  • Promotion du développement des entreprises au sein de la chaîne de valeur des déchets organiques.
     
  • Soutien à la normalisation et à l'assurance qualité du compost produit par les récupérateurs de déchets
     

9. Comment le travail de votre organisation sur la gestion des déchets recoupe-t-il les préoccupations de justice sociale, et comment abordez-vous ces intersections dans votre plaidoyer et votre programmation ?

Le CEJAD soutient activement les récupérateurs de déchets, qui jouent un rôle essentiel en complément des efforts gouvernementaux en matière de gestion des déchets, en les aidant à s'organiser et à formaliser leurs associations. Cette formalisation leur permet de défendre collectivement leurs droits sociaux et du travail.

Au Kenya, des associations de récupérateurs de déchets organisées collaborent avec les autorités gouvernementales pour obtenir une reconnaissance officielle et une intégration dans les politiques, la législation et les processus de planification de la gestion des déchets. Elles recherchent également des sources de revenus alternatives au travail dans les décharges et militent pour un meilleur accès aux soins de santé.

Grâce à la formalisation, la perception publique des récupérateurs de déchets évolue positivement, les communautés comprenant mieux leur rôle essentiel dans la défense du droit à un environnement propre et sain.

Parallèlement, le CEJAD promeut des solutions de gestion durable des déchets, telles que les systèmes zéro déchet, qui ont le potentiel de créer des opportunités d’emploi plus dignes et plus inclusives.

L’organisation continue de lutter contre les fausses solutions comme l’incinération des déchets, qui non seulement détourne l’attention de la gestion des matériaux non durables, mais détruit également des ressources précieuses et élimine des moyens de subsistance potentiels.

En revanche, les approches zéro déchet favorisent la santé environnementale et réduisent les effets nocifs des décharges à ciel ouvert, effets qui ont un impact disproportionné sur les ramasseurs de déchets, les communautés environnantes et les systèmes alimentaires locaux.

 

10. Existe-t-il des citations, des devises ou des croyances que l’organisation essaie d’adopter dans tout son travail ?

Oui, c’est « une société juste et durable, exempte de produits chimiques toxiques ».

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